Avec 700 décès en moins qu'en 2019, la mortalité routière est en baisse de 21,4 %. Un bilan à prendre toutefois avec précaution, comme nous l'explique Marie Gautier-Melleray, déléguée interministérielle à la Sécurité Routière.
Barbara Romero pour l'Automobile Club Association : L'année 2020 est marquée par une baisse notable des accidents, des blessés, et des personnes tuées sur les routes. Comment expliquez-vous ces chiffres ?
Marie Gautier-Melleray : « Avec 2 550 tués sur les routes de l'Hexagone, le bilan 2020 est historique puisque nous n'avons pas connu de meilleurs résultats de l'accidentalité routière depuis 1924. C'est un bilan très singulier, qui s'explique en grande partie par le contexte de crise sanitaire qui a entraîné une baisse du trafic routier. »
Barbara Romero pour l'ACA : « La crise sanitaire a néanmoins contraint ou incité les Français à voyager en France l'été dernier. Quel est le bilan de la sécurité routière pour ces mois traditionnellement à fort trafic routier ? »
Marie Gautier-Melleray : « S'agissant plus spécifiquement de l'été 2020, la mortalité globale a baissé de 25 % pendant la période de juin à août 2020 comparée à la moyenne des mêmes périodes entre 2015 et 2019. La mortalité des automobilistes et des motocyclistes a contribué le plus à la baisse (respectivement pour la moitié et le quart). La mortalité des piétons a baissé dans une moindre mesure et la mortalité des cyclistes a beaucoup moins baissé.
Nous ne disposons pas encore d'informations définitives relatives au trafic pour l'été 2020, mais au vu du contexte sanitaire post-confinement, nous pourrions émettre l'hypothèse que le trafic n'est pas revenu à un niveau normal après le 1er confinement, avec notamment une forte baisse des véhicules étrangers qui d'habitude à cette période de l'année, sont très nombreux.
Autre spécificité de l'été 2020, les Français sont sans doute partis un peu moins longtemps en vacances parce qu'ils avaient dû prendre des congés pendant le premier confinement. Du coup, ils sont restés plus en ville où les accidents sont moins graves car la vitesse est plus faible. Au total, on constate qu'il y a eu autant d'accidents mais qu'ils ont été moins souvent mortels. »
Cyclistes en danger…
Barbara Romero pour l'ACA : L'augmentation de l'usage des EDPM (Engins de déplacement personnel motorisé) invite-t-elle la Délégation de la Sécurité routière à trouver de nouvelles solutions pour le partage de la route ?
Marie Gautier-Melleray: « En termes d'accidentalité des usagers d'EDPM, on constate une légère baisse du nombre de tués en 2020, 8 tués contre 10 en 2019. Nous sommes bien sûr très attentifs à ce nouveau mode de transport qui s'est développé fortement en 2019 et 2020. On observe notamment un recours aux EDPM pour le dernier kilomètre lors des trajets domicile-travail, notamment en agglomération.
L'usage des EDPM est désormais mieux encadré par la réglementation depuis l'entrée en vigueur du décret du 23 octobre 2019 qui fixe les règles de circulation et de stationnement de ces engins, précise les sanctions en cas de non-respect des règles et les dérogations possibles en matière de circulation.
Au-delà de cette réglementation spécifique, les EDPM sont confrontés à des risques comparables à ceux rencontrés par d'autres usagers vulnérables dont la mortalité reste à un niveau préoccupant : les cyclistes. D'ailleurs, les mois de juillet et septembre 2020 correspondent aux mois les plus terribles des 10 dernières années avec 37 cyclistes tués en septembre et 29 en juillet. Il est vrai que la pratique du vélo a augmenté de près de 30 % en 2020 selon l'association Vélo & Territoires. Mais l'augmentation de l'accidentalité des vélos n'est pas une fatalité.
Face à ce constat et au risque accru d'accidents impliquant des vélos, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place des actions spécifiques et nous appelons à la plus grande vigilance de tous pour un partage de la route en toute sécurité. »
Gare à la vitesse et réapprendre à partager la route différemment
Barbara Romero pour l'ACA : Le couvre-feu a-t-il un impact positif sur les conduites en état d'ivresse ?
Marie Gautier-Melleray : « Il est encore trop tôt pour disposer de données détaillées sur les effets de la mise en place du couvre-feu sur l'accidentalité routière et en particulier sur celle liée à l'alcool ou, dans un tout autre registre, celle liée à l'absence de visibilité de certains usagers vulnérables à la nuit tombée.
En revanche, nous avons constaté en 2020 de manière générale, une augmentation des comportements dangereux, en particulier les grands excès de vitesse lors des deux confinements : + 21 % de très grands excès de vitesse en plus par rapport à 2019 (de plus de 50 km/h au-dessus de la vitesse autorisée relevés par le contrôle automatisé). Il est fondamental d'être tous sensibilisés sur le sujet, la vitesse excessive étant le premier facteur d'accident sur la route. »
Barbara Romero pour l'ACA : Quels sont les messages de sensibilisation à faire passer pour 2021 suite à ce pré-bilan ?
Marie Gautier-Melleray : « Le bilan de l'accidentalité routière de 2020, quoique provisoire, nous apporte quelques enseignements.
En 2020, certaines catégories d'usagers vulnérables ont vu leur mortalité stagner alors que la baisse est massive pour d'autres catégories. Comme indiqué plus haut, la mortalité des cyclistes notamment, est très élevée depuis quelques mois. C'est un sujet que nous suivons et l'objectif est de poursuivre les actions de sensibilisation de tous les usagers de la route et les évolutions réglementaires destinées aux usagers de la route les plus vulnérables.
Il nous faut réapprendre à partager la route différemment, retrouver les réflexes pour certains, découvrir un nouveau mode de locomotion avec une augmentation importante de l'usage du vélo, de la trottinette ou du deux-roues.
Par ailleurs, l'augmentation des grands excès de vitesse de 2020 doit nous amener à rester vigilants sur ces comportements à risque. Nous espérons que chacun va revenir à un comportement plus respectueux des règles, qui sont là pour sauver des vies. »